Suite au cris de victoire, au risque d’être rabat-joie, restons réalistes : ce n’est qu’un miroir aux alouettes ! Facile pour l’Office de la honte de raconter un bobard déjà éventé : trouvez un boulot – pas seulement un boulot, non, il faut qu’il soit dans un secteur en pénurie ! Et alors là, le directeur indéboulonnable, Roosemont, suggère qu’il va « tenter de régulariser leur situation ».
Il ne s’agit pas là de victoire, juste la langue de bois pour dire « allez tenter l’impossible ». Car soyons concrètes, ci-après quelques exemples de secteurs en pénurie en Région bruxelloise :
ingénieurs et ingénieurs techniciens
ingénieur civil des constructions civiles
ingénieur industriel des constructions civiles, en électricité, en électronique…
ou encore
Infirmiers et hospitaliers, infirmiers en chef, infirmiers brevetés social / en santé communautaire
Ergothérapeutes
ou encore
dessinateur d’architecture/bâtiments, travaux publics…
La liste varie d’année en année.
Vous voyez d’emblée la facilité avec laquelle les chercheurs d’emploi jusqu’ici sans-papiers trouveront un employeur qui se pliera aux difficultés administratives pour permettre l’accès à ces emplois !!
Rappelons qu’en 2009 on adoptait une instruction relative à la régularisation du séjour des étrangers. L’une des voies prévues pour accéder au séjour légal : le travail (le mot magique).
Sachons qu’un étranger nécessite un permis de travail, il en existe 3 types :
le principal est le permis B, valable un an pour une fonction déterminée chez un employeur donné. L’employeur demande une autorisation d’occupation ou, autrement dit, le droit d’embaucher telle personne pour telle fonction. L’octroi de cette autorisation à l’employeur s’accompagne de la délivrance d’un permis de travail B au travailleur.
Pour qu’un étranger se voie délivrer un permis B, il faut obligatoirement que l’employeur ait introduit, de son côté, une demande d’autorisation d’occupation et l’ait obtenue.
En principe, l’autorisation d’occupation :
n’est accordée qu’après étude du marché de l’emploi ;
est limitée aux travailleurs de pays avec lesquels la Belgique est liée par des conventions ou des accords internationaux en matière d’occupation des travailleurs (ceci a été levé dans le cadre de la régularisation de 2009)
est subordonnée à la signature d’un contrat de travail ;
est subordonnée à la production d’un certificat médical au moment de l’introduction de la demande.
Le permis de travail A est valable pour l’ensemble du marché du travail et sa durée est illimitée. Il est délivré aux personnes qui, au cours d’une période maximale de dix ans précédant directement la demande de permis, ont travaillé au moins quatre ans sous permis de travail B.
Le permis de travail C est valable pendant un an et pour l’ensemble du marché du travail. Il est délivré à certaines catégories d’étrangers, dont les demandeurs d’asile en procédure depuis six mois.
Notons de plus que le permis de travail sera refusé ou retiré si le dossier de demande est incomplet ou erroné dans les cas où, par exemple, le contrat de travail et/ou le certificat médical sont absents, incomplets ou erronés, si sa demande ou son obtention a été entaché de fraude, si l’employeur a violé la loi, et par exemple s’il fait ou a fait travailler des personnes au noir ou sans le permis de travail requis (même si le travailleur auquel le permis de travail est refusé ou retiré n’est en rien responsable de ces faits), etc. (Arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers)
Cette régularisation par le travail a permis à quelques personnes d’être régularisées depuis 2009 mais pour le reste c’est un parcours du combattant, le délai entre la décision de l’OE et l’octroi d’un permis de travail toujours trop long annule tous les efforts. En centre fermé « pour illégaux » se trouvent des personnes qui sont passées par là … en vain ! Dans la réalité il est normal qu’un employeur qui fait une promesse d’emploi vise un engagement à court terme. Or de nombreux sans-papiers ont dû attendre plusieurs mois, voire des années avant d’obtenir un permis pour débuter leur travail auprès de cet employeur qui souvent, avait déjà engagé quelqu’un d’autre...
Avec, pour conséquence, la nécessité de trouver un nouvel employeur crédible endéans les trois mois sous peine de voir toute la procédure annulée. Mission impossible pour la plupart. Et pour les autres, la porte ouverte aux abus !
Et donc aujourd’hui Freddy Roosemont, après avoir rencontré le Front des Migrants et avoir signifié clairement que sous cette législature, il n’y aurait pas de régularisation collective de sans-papiers, « comme il est mentionné dans la note de gouvernement » a « invité les sans-papiers à s’investir et s’intégrer en Belgique par le biais du travail » et leur a suggéré de chercher de l’emploi dans les secteurs en pénurie.
La belle affaire, le beau discours, du vomi réchauffé !
Il s’est également « engagé à faire le nécessaire pour obtenir un titre de séjour à ceux qui obtiendront un contrat de travail ainsi qu’un permis B » (voir plus haut de quoi il s’agit !).
On le voit tout ça est d’une simplicité effarante, tout est organisé pour ne pas y arriver, pour décourager les éventuels employeurs, pour disposer cependant d’une parade officielle… pour faire croire que c’est possible et que ceux qui n’y arrivent pas, ben, c’est de leur faute.
Un victoire ? vraiment ? pour qui ??