C’est dans ce sens qu’il convient d’évoquer et de citer une partie du communiqué « La CNT face aux nationalismes », qui fut diffusé, il y a de nombreuses années déjà, et qui nous apparaît comme étant toujours d’une totale validité.
« Le concept de “nation“ a, très tôt, servi à englober, tout comme il a incité à revendiquer l’indépendance ; “nation“ ou “patrie“ sont des idées-forces qui peuvent être employées dans des sens très opposés, accablants ou émancipateurs ; ce qui, pour les uns, est un vaillant patriotisme, est, pour les autres, un impérialisme oppressif centraliste, ce que les uns considèrent comme un séparatisme antipatriotique, les autres le voient comme l’affirmation maximale d’une identité nationale.
Pour nous, un exemple de la contradiction que suppose le mélange de la lutte des classes avec les aspirations patriotiques reste manifeste dans ce que nous vivons en Catalogne ces derniers mois. Nous sommes témoins de ce que, dans sa prétention à vouloir « faire pays », la droite bourgeoise de toujours et la dénommée gauche catalaniste – même celle qui se dit être « anti-système » – se donnent la main pour construire un nouvel État, l’État catalan, en tournant en même temps le dos à ceux qui préfèrent suivre celui qui existe déjà, l’État espagnol. En continuant avec le communiqué précité, nous répétons que l’argumentation nationaliste est « pauvre et obstinée : en fin de compte, ils rêvent d’établir un autre État, avec son armée, sa police et ses notables, mais avec drapeau et nom distincts ». À ce stade, nous pouvons nous demander : Où est restée la lutte de classes, sinon enveloppée dans les chiffons patriotards ?
Il convient d’éclaircir le fait que si comme anarchosyndicalistes nous nous opposons à n’importe quel État nouveau, nous ne défendons pas pour autant l’État déjà existant, comme cela nous est souvent mal-intentionnellement attribué. À ceux qui utilisent cet argument fallacieux, il faudrait rappeler que lors de la proclamation de la République Catalane, en 1934, c’est la militance de la CNT qui ramassa les armes que les patriotes catalanistes jetaient, quand l’armée entrait à Barcelone sans vraie difficulté. Et comme ils nous furent utiles par la suite pour prendre d’assaut les casernes et pour faire trembler les uns et les autres en démontrant la viabilité de l’autogestion et du communisme libertaire ! Lamentablement, cet exemple révolutionnaire fut atténué par une Generalitat qui voyait avec horreur comment les travailleurs contrôlaient la production, et par quelques communistes auxquels il fut permis de faire tout ce qu’ils voulaient pour leur rôle contre-révolutionnaire en tant que « parti de l’ordre » et en échange de quoi la République obtiendrait l’appui soviétique. Quelques décennies après, il paraît incroyable que nous soyons dans une situation similaire, bien que pas complètement.
A l’époque, nous, anarchosyndicalistes, savions déjà que nous ne serions jamais libres sans exercer, auparavant, le contrôle de la production. Aujourd’hui, une partie de ceux qui s’en autoproclament semble l’avoir oublié, ils acceptent que la classe travailleuse s’assoupisse en adoptant les mêmes approches que les syndicats institutionnels et, de concert, avec une vaste frange de la cité se laisse entraîner et dicter sa conduite par les différents « vecteurs d’intoxication » en fonction de leurs intérêts. Et, lorsque sont organisées des grèves patriotiques supportées et financées par l’Administration et les marchands, quand la lutte populaire est reconduite jusqu’à son atténuation au Parlement via les urnes ou quand ils veulent que tu fasses un choix entre différents chiffons patriotards, c’est que quelque chose ne tourne pas rond.
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Dans la CNT Catalunya, malgré tout cela, les choses sont claires. Nous serons toujours dans la lutte des classes, jamais dans la lutte entre travailleurs pour des motifs patriotiques ou nationalistes car ces derniers bénéficient seulement aux gouvernant-e-s désireux de couvrir leurs relents afin de continuer à profiter de leurs privilèges.