Ce texte a été publié sur la page facebook de la JOC Bruxelles
Nous avons décidé de publier cette lettre rédigée par l’un de nos militants, nous rejoignons son signal d’alerte et son invitation.
Je rejoins celles et ceux qui observent un manque de stratégie et de lecture politique flagrant dans l’action menée par des militants autonomes ce dimanche 23 janvier à la marche européenne pour la démocratie . Je refuse de les qualifier de militants antifascistes car leur action à servit l’intérêt du fascisme en marche bien plus qu’il ne l’a desservi.
Cela fait maintenant longtemps que des camarades, y compris proche des mouvances autonomes, surveillent le développement de l’Alt-Right. Cette reformation de l’extrême-droite s’est construite au fil des années sur internet, et à ce titre, elle est internationale. Toutefois, c’est d’abord aux Etats-Unis qu’elle est parvenue à prendre place dans le champs politique. En Belgique les déclinaisons de cette reformation sont assez fidèles au modèle Américain. En terme de comparaison, en France, l’extrême-droite peut investir son héritage et son ancrage historique grâce à un nationalisme et un sens de l’anti-impérialisme à sens unique, qui freine l’importation tel quel du corpus américain. Certains courant de la fachosphère française sont donc réfractaires à l’utilisation des références, des stratégies et des formes de l’Alt-Right américaine, préférant recourir à un répertoire tricolore qui a fait ses preuves. Ainsi, les marques de l’Alt-Right ne suffisent pas toujours pour reconnaître l’extrême-droite en France, et on ne pourrait la réduire à cette reformation. Ici ce protectionnisme est de moindre importance. L’extrême-droite de notre pays est traversée par des séparations internes importantes, et le récit nationale est plus difficile à mobiliser. Cela ne facilite pas l’analyse des luttes identitaires de l’extrême-droite Belge, par contre, ce manque de matériel commun propre la rend plus demandeuse et friande pour de nouveaux référents. Sa réceptivité à l’Alt-Right et leur adoption de son lexique, de son humour, de ses stratégies et de ses valeurs nous permettent de déceler facilement l’origine de leurs inspirations et de leurs affects. Ce n’est pas une erreur d’attribution d’avancer qu’au nord du pays, qui n’en a pas le monopole pour autant, l’esprit de l’assaut du Capitol est bel et bien présent -c’était aussi, par ailleurs, une manifestation corona-sceptique sans masque etc- et ce depuis les premiers rassemblements chez nous, où des citations de Q étaient affichées, participant clairement à la confusion du mouvement naissant.
Avant de poursuivre, j’aimerais clarifier un point. Je qualifie le mouvement de confus car il n’émet aucune revendication collective concrète, si ce n’est des lieux communs abstraits. Les manifestants ne sont pas d’accords entre eux sur les lignes politiques présentes, et dans les faits, il n’y a que l’extrême-droite qui y soit de manière massive, structurée et organisée. En outre, le mouvement admet en son sein, et de façon répétitive, des messages clairement conspirationnistes ou antisémites. Ce n’est pas un reproche en soi de dire que le mouvement est confus ; face à un problème avec autant d’inconnues que la gestion du Covid, c’est compréhensible de voir diverses formes de contestations apparaître et avancer à tatillon. Mais aujourd’hui nous ne sommes plus là-dedans. L’extrême-droite a donné sa définition de la liberté et les boiteux du scepticisme se sont mis à marcher droit. C’est donc bel et bien une masse de manifestants confus participant à une action politique de l’extrême-droite. Revenons-en à l’antifascisme.
Au regard de la séquence politique impliquant l’Alt-Right qui s’est déroulée depuis la campagne présidentielle américaine de 2016, jusqu’à celle de Zemmour en ce moment, en passant par les montages anti-antifa de Schield&Vrienden et les scores électoraux du Vlaams-Belang, tout un argumentaire en miroir a été armé contre l’antifascisme. Depuis plus de 5 ans, une offensive de désinformation menée par la fachosphère, plus ou moins conspirationniste et antisémite, s’est attelée à créer un mythe : « Antifa ». Cet agent provocateur du « deep state » serait une organisation unique, un ennemi intérieur défenseur de la « modernité » et non pas une opposition politique forte, imprégnée par une historicité et une praxis. L’interprétation faite de cette organisation est déclinée de trois manières possibles par les agitateurs de l’Alt-Right et leur lectorat.
La première interprétation touche les plus complotistes. Pour eux "Antifa" est, au choix, financé par le sionisme, le Kremlin, les lobby pro lgbt, BLM, … Les milices subsidiées sont alors engagées pour discréditer tout mouvement légitime en l’infiltrant et en commettant des exactions. Elles peuvent aussi déstabiliser les vraies démocraties occidentales (comme lors la réélection de Trump), et renforcer les attaques du progressisme contre la civilisation authentique. Antifa participerait au grand remplacement, à la féminisation de la société et à l’installation du nouvel ordre mondiale.
La seconde compréhension est adoptée par les militants nationalistes plus proches du terrain. Pour ces jeunes « natios » ou « patriotes », les Antifa sont des petits.es-bourgeois.es manipulé.es, idiot.es utiles du mondialisme. Les antifascistes pensent faire la révolution mais, en défendant les immigré.es, les racialisé.es, le féminisme et les minorités sexuelles et/ou de genre, iels s’encanaillent en servant la cause des élites, au détriment du « peuple réel ». Iels sont le front armé de tous ce qui cause le déclinisme de la nation.
Enfin, la troisième et dernière interprétation se situe quelque part entre ces deux lectures.
Ceux qui la rejoignent voient dans l’antifascisme une lutte d’arrière-garde se trompant d’ennemi. Juste bonne à diviser, chargeant tête baissée comme Don Quichotte. Seulement, les moulins cachent les vraies menaces. Au choix : l’écologie, le capitalisme, « le système ».
Face à toutes ces fausses conceptions, l’antifascisme part avec un apriori lourd de poids dans la large sphère confusionniste. Voilà le terrain. Voilà la doxa d’un mouvement confus comme celui de dimanche concernant l’antifascisme.
Cependant, selon mon passage de courte durée lors du premier acte mais surtout selon mon expérience en ligne, l’écrasante majorité des manifestants du dimanche ignorent ce qu’est l’antifascisme au-delà du nom. Ils ne sont pas non plus familiers des collectifs qui s’organisent dans cette opposition. Les exceptions à ce cas sont au mieux, une petite minorité de militants de gauches actifs, au pire, ils rejoignent l’une des trois compréhensions exposées plus haut. Dès lors, porter un drapeau antifasciste dans un telle manifestation et partir à l’offensive contre la police, c’est prendre le risque de s’exposer à une récupération délétère et contre-productive de son action. Agir de la sorte sans avoir construit au préalable une base légitimée par le mouvement, sans avoir travailler les franges perméables, sans moyens effectifs pour corriger le tir par après ... c’est confirmer l’une des trois lectures pour les uns et servir de démonstration introductive à l’attention des autres. Voilà. Point barre. Vous vous êtes donnés en pâture, en bouc émissaire, et il aura suffi d’une banderole et d’un drapeau. Vous avez tendu le bâton pour nous battre. Et vous êtes content. Je ne sais pas si vous en étiez conscient, ou si vous étiez dans l’ignorance de cette possibilité, mais c’était écrit.
Lorsque j’ai vu les premières photos, sachant ce qui allait en advenir, j’étais sidéré et en colère. J’ai cherché à vous comprendre, ou du moins, à en savoir plus sur les effets recherchés et votre bilan. Je suis tombé sur quelques échanges. J’ai pu y lire que vous revendiquiez d’avoir rendu honneur au vrai antifascisme et que vous aviez « chassé les facho ». Ah bon ?!
Je n’étais pas là, vous avez peut-être effectivement repoussé une charge, voire deux, même trois. De qui ? Je ne sais même pas. Les désœuvrés de Nation ou de La Meute ? Peu importe car les fachos étaient bien là, vous n’avez pas su les chasser de la rue, normal, ils étaient sur la scène. Les proto-fascistes, c’était l’organisation même de la manif et son service d’ordre assuré par le Voorpost (un bloc d’une centaine d’hommes au bas mot), ou par exemple, la direction de l’APO allemand qui se promenait dans le parc. Ou aussi les hooligans d’Utrecht, de Rotterdam et ceux du Beerschot qui tenaient une barricade av. d’Auderghem. L’extrême-droite roumaine elle portait une banderole anti-communiste, dans ce contexte-ci, associer la vaccination et les mesures collectives contraignantes au communisme, c’est bien y opposer une gestion libérale et individualiste, tout un symbole. La droite traditionaliste était aussi présente dans le cortège entier de Civitas France venu en famille, enfin les néo-nazis c’était par-exemple des bikers portant entre-autre l’aigle nazi revisité et la rune Othalan … Non, vous n’avez pas chassé les fachos. Vous ne les avez même pas égratignés. Vous ne les avez ni écartés le temps d’un acte, ni exposés pour un sous (pas besoin, ils s’exposent tous seuls). Que je sache, vous n’avez pas forcé le mouvement à se positionner et à se responsabiliser, pas plus que vous n’avez créés d’alliances pour une prochaine fois. Avez-vous seulement proposer des exemples de force d’opposition ?
Toutefois, je ne demande qu’à me tromper. Si vous comptiez y retourner, je ne peux que vous souhaitez de fédérer sous le drapeau des centaines de personnes qui n’attendaient que ça. Mais pour l’instant, je ne vois aucune couverture de votre action qui ne reprenne pas simplement la pulsion émeutière. Comble, vous vous êtes fait voler votre matos. Ça représente la pire des humiliations dans les mouvement ultras et hools d’où émerge une partie des pratiques et codes de l’antifascisme de rue moderne (d’ailleurs, le groupe qui s’est fait lésé doit normalement s’auto-dissoudre, une idée en passant). Bah ça n’a pas manqué, la photo du drapeau qui brûle à finit sur le Telegram de Ouest Casual et on y célèbre la défaite des Antifa. Alors vous me direz peut-être qu’au moins vous, vous essayez … et bien personne ne vous y oblige surtout quand vous y faite plus de mal que de bien.
En effet, un rapide passage sur twitter vous permettrait de vous rendre compte de l’ampleur des dommages causés. Je vous joins ici le résultat d’une quinzaine de minute de recherche sous les # « Antifa » et « AntifaTuig ». Ces messages ne sont pas des cas isolés concernant uniquement quelques personnes désinformées. Ils construisent l’esprit politique de notre moment. Ils ne jouent pas sur les convictions profondes ou sur la certitude, mais sur le doute et l’inconnu. Conséquemment ils touchent tous les manifestants qui se demandent qui étaient ces figures cagoulées rangées derrière une banderole.
Lors du mouvement des Gilets Jaunes, de telles rumeurs circulaient aussi, notamment sur « LES Black-Block » et sur « Antifa » (une inversion intéressante). Mais lorsqu’on discutait cinq minutes avec les personnes, elles n’y croyaient pas réellement. Elles répétaient ce qu’elles avaient lu sur Facebook pour se rassurer, se donner une contenance. Ce mécanisme nous est familier à tous, par moments, nous pouvons être sensibles à la première idée venue si elle nous permet d’appréhender le réel et ces nouveautés. Mais cette légèreté ne tient que sur le temps court. A force de répétition, la notion ou l’idée devient une réalité. C’est ce passage de l’impression à la conviction qui est travaillé chaque jour par l’Alt-Right. A ce titre, les rumeurs circulant sur les réseaux, pour peu qu’elles soient partagées encore et toujours par des comptes en qui les personnes ont déjà donné leur confiance, faute de mieux, serviront de post-vérité. C’est ce pourquoi il y a un danger, car vous, les militants « antifascistes » de dimanche dernier, partez avec une longueur de retard bien trop grande pour pouvoir se permettre de telles prises de risques. La pensée du mouvement vous précède de trop loin, ça fait maintenant deux ans qu’elle progresse. Cela fait deux ans que le Covid et sa gestion ont rejoint la liste des attaques des élites déviantes, en dessous de l’immigration de masse etc. La bataille d’internet a été perdue et vous n’êtes pas maîtres de votre communication ou de votre action. C’est une récupération anticipée dans laquelle vous vous êtes engagés.
Je me doute que vous ne les considérez pas ces rumeurs et ces tweets. Pour vous, ils représentent juste un moment du faux, tout ça n’est que virtuel n’est-ce pas. Alors vous pouvez continuer à vous concentrer sur vos cercles plus ou moins étendus, et sur la masse qui ne se sent pas concerné par ces questions. Vous pouvez les reléguer et les minimiser comme des gué-guerres intestines et propre à l’entre-sois gauchiste. Mais ce serait ne tirer aucune leçon de l’arrivée de Trump au pouvoir, de Bolsonaro, de la campagne actuelle menée par Zemmour et ses soutiens (notamment de VA+). Parce que oui, cette discréditation du camp antifasciste et des idées qui lui sont associées à des effets bien réels ! Lorsque le contraire du fascisme devient l’ennemi intérieur, que reste-t-il à lui opposer ? Malheureusement, je pense que vous ne le craigniez plus réellement. Vous êtes résignés et votre accélérationnisme rend le fascisme plus séduisant que le temps du faux.
J’ai aussi lu que vous étiez forcé d’assumer cette position à cause de la gauche qui aurait déserté, abandonné le mouvement et le peuple. J’ai lu et relu vôtre théorie selon laquelle ce serait seulement la faute des gauches, traîtresses et décevantes, si l’extrême-droite gagne du terrain : « la politique a horreur du vide ». Selon-vous, c’est parce nous sommes absents que l’extrême-droite peut avancer. C’est aussi, je pense, une erreur de lecture.
Premièrement la gauche n’est pas absente, elle a essayé d’avancer sur son terrain à de multiples reprises, et nous ne nous y sommes pas croisés. Vous aviez tout autant déserté, car vous n’étiez simplement pas d’accords. Vous étiez ailleurs, à la BOUM par exemple, qui aurait déjà dû être un moment pour crever l’abcès et confronter une bonne fois pour toute différentes définitions de la liberté. Nous l’avions fait en quelques sortes, et ces discussions suite à ce dimanche dernier sentent le réchauffé.
Ce sont les idées de l’extrême-gauche qui sont désertées, et ce constat mérite d’être réfléchi, pas d’être souligné en banalisant l’ennemi.
Deuxièmement, plutôt que de demander pourquoi la gauche n’est pas présente, j’aimerais vous demander pourquoi devrait-elle l’être ? Pour répondre à cela vous faites à maintes reprises le parallèle avec les Gilets Jaunes, comme si les deux étaient comparables. Mais les manifestations GJ ne se concluaient pas sur des prises de paroles de la bourgeoisie et de l’extrême-droite. Elles n’étaient pas directement trustées par des organisations politiques ayant pignon sur rue depuis des années, avec des moyens et des connexions politiciennes effectives. Tout était à faire. Les manifestations de GJ ne se déroulaient pas sur un parcours cadré où le cortège était divisé par factions atomisées. La forme des marches pour la liberté est bien plus traditionnelle et elle démontre la présence d’une organisation, en l’occurrence, d’extrême-droite. En ce qui me regarde vous ne pouvez pas faire le rapprochement entre la posture de la gauche défaitiste envers les GJ et le mouvement corona-sceptique. Vous ne pouvez pas me faire le procès d’avoir crié alors aux « fachos » et d’avoir été « parano ». La raison est simple, c’était un mouvement populaire, avec des revendications de classe prolétarienne, où l’extrême-droite était présente. Ici c’est un mouvement d’extrême-droite, avec des revendications de classes supérieures, où les classes populaires sont présentes. La bourgeoisie n’osait pas montrer son petit nez pendant les gilets-jaunes, ici elle est omniprésente (bordel si des personnes se mettaient à l’auto-réquisition ce mouvement ça ne serait pas en dévalisant des magasins de luxe, mais en déshabillant directement la tête de manif. Tah le tailleur Chanel et le trench-coat Armani). Cela ne suffit pas à titiller votre réductionnisme de classe ? Dès les premières heures des GJ des expérimentations politiques collectives ont été mises en places, il y avait la volonté de créer des communs. Vous le savez mieux que personne, vous en étiez. Ici la seule tentative de la sorte est menée par … le syndicat des Gilets Jaunes. Vous pensez vraiment que le VB, Feniks, Civitas et consort en ont quelque chose à faire d’ouvrir des AG ? Organiser des lieux de discussions et de décisions ? Non ! Ils ne croient même pas dans leur possibilité d’obtenir des victoires démocratiquement ou de créer un rapport de force, leur objectif politique est très simple, affaiblir le gouvernement, jouer l’opposition et marquer des scores électoraux … point-barre. Ils sont poussés par les volontés suprématistes qui animent leur camp politique et se sentent le vent en poupe. Et vous êtes là pour gonfler leurs nombres et leur servir d’excuse parfaite quand on leur demandera des comptes pour les violences de la manifestation. Enfin, lors du mouvement des Gilets Jaunes nous avions des médiums et des canaux de communication que nous n’avons plus aujourd’hui. Nous ne pouvons pas compter sur Vécu ou sur Trace Ton Cercle pour mener des oppositions politiques internes solides et saper les théories fumeuses. Par quels moyens pouvez-vous déconstruire les rumeurs à propos de votre action comme nous l’avions fait au sujet du black-block ? Quel groupe Facebook modérez-vous ? Qu’elle voix avez-vous au sein du mouvement et de quelles personnes d’influences êtes-vous proches ? Mieux, avec quels groupes néerlandophone avancez-vous, car ici si votre combat n’est pas bilingue, il est perdu d’avance.
Pour ce qui est du vide dont la politique aurait horreur. Ce n’est pas l’extrême-gauche qui a été sourde. Bien au contraire, elle a écouté ! Elle reste convaincue que ce n’est pas un terrain à construire, ou plutôt, qu’il est profondément pollué en son sol par les déjections de l’histoire. La Belgique a-t-elle attendue la désertion de la gauche pour coloniser le Congo ? C’est parce qu’il était déçu par les rouges que le patronat flamand a collaboré et en récolte encore les fruits ? Ou bien pouvons-nous admettre que les pulsions racistes, suprématistes et libertariennes répondent aussi à des intérêts et à leur histoire indépendamment de l’absence ou non de la gauche. Ces affects vous précèdent. Et nous ne pourrions y mettre un frein simplement en étant « présent ». Vous dégageriez tous les acteurs avérés du fascisme dans le mouvement, que son ontologie resterait fertile à son avènement. L’élan fasciste quitte le point mort lorsqu’il arrive à crier « liberté » plutôt que son propre nom. Vous agissez comme si vous ne saviez pas pertinemment bien de quelles libertés il s’agît. Liberté pour qui ?! Liberté de quoi ?! Les organisateurs de ces manifestations, ainsi que les milliers de personnes qui écoutent leurs prises de paroles et marchent fièrement derrières eux, ils ne conçoivent pas l’humanité libre…
Les personnes qui se tournent vers l’extrême-droite ne le font pas uniquement par faute de mieux, ils n’ont pas tort de la suivre. Ce n’est pas une erreur de calcul, ils ne se sont pas trompés en chemin parce que la gauche était mal indiquée. Les récits de militants radicaux repentis nous laissent croire qu’on pourrait s’y perdre, s’y égarer. Mais le VB n’est pas devenu le premier parti de Flandre en déboussolant les gens. Ils ont leur raison, leur puissance d’agir et votent dans une poursuite objective. Maintenant, qu’elle raison leur avez-vous opposé en vous rendant à cette manifestation ? En quoi votre action a-t-elle permis de marquer une dissension ? A l’exception d’un drapeau, vous avez seulement continué le travail d’aménagement urbain engagé par les hools lors de leur manifestation contre le pacte de Marrakech. Une tentative de déploiement de banderole sur la scène aurait été plus efficace … et pourquoi faire ?
Nous en arrivons au dernier point que j’aimerais vous partager. Vous l’avez peut-être compris, je ne m’adresse pas uniquement à vous. Vous avez fait votre choix il y a très longtemps, en naturalisant la mort et le Covid. Pour vous toujours, s’empêcher de vivre pour les vieux, c’était non. D’ailleurs, il y a pleins de vieux qui pensent pareil. La vie est une fête, et le pays dans le pays maudira les paranos du virus, louera l’esprit de la révolte cagoulée mais sans masque ou je ne sais quoi. Jusque-là, ça vous regarde. Mais quand vous mettez à mal l’antifascisme ça devient une question de ligne collective. C’est à cette collectivité que je m’adresse. A nous qui nous demandons si c’était, oui ou non, une si bonne idée que des militants aillent dans cet évènement avec un drapeau antifasciste. A nous qui nous rendons aux manifestations du dimanche mais sans s’y sentir à l’aise. A nous qui n’y allons pas mais regrettons ensuite. A nous qui nous demandons si, tout compte fait, il ne faudrait pas effectivement y aller malgré les réticences. A nous qui n’y allons pas parce que nous nous méfions de ces manifs, mais n’arrivons pas à mettre le doigt sur le pourquoi. A nous qui n’irons jamais et sommes hors-de-nous de voir que d’autres y sont.
J’aimerais nous dire ceci : plutôt que de se concentrer là-dessus, demandons-nous qu’elle est la ligne COVID que nous aimerions amener en réponse une bonne fois pour toutes. Cela fait maintenant trop longtemps que nous attendons la providence des grosses organisations. Que nous espérons que les institutions sortent de leur immobilisme et de leur démagogie pour que nous puissions ensuite nous positionner avec nos collectifs, devant, derrière ou à leur gauche, sans risquer des contradictions internes trop importantes. Quand on ne sait pas où nous en sommes, il est parfois bon d’avoir un point de repère. Nous sommes divisés dans nos groupes et n’osons donc pas avancer, mais il nous le faut ! Il faut que nous puissions revendiquer les solutions non-négociables comme la levée des brevets, la transparence du tracking, etc. Nous devons nous mettre d’accord sur l’importance ou non de la vaccination, sur son obligation ou non, sur l’utilité ou non du chantage qu’est le CST… C’était ce que proposait la stratégie Zéro Covid. Malheureusement, je pense qu’aucune organisation ne s’est sentie les épaules d’inviter les autres à en discuter. La solution ne peut plus-être de « seulement » se ranger derrière la dénonciation du manque de financement et des politiques publiques pour les hôpitaux, les écoles, etc. Aujourd’hui il nous faut produire notre définition de la liberté qui dépasse les terrasses, et ce n’est pas celle du laisser circuler, du statu-quo, de la survie du plus adapté et du retour au travail. Nous avons vu ce que ça a donné au Brésil et en Inde. Nous avons vu que les remèdes miracles n’en étaient pas (Ivermectin, Hydroxychloroquine, …). Omicron affaiblit des secteurs entiers de notre pays, on en meurt moins, certes, mais il contamine plus et mute à vitesse grand V. L’impact des Covid longs sur les personnes commencent à peine à se faire connaître par le grand public. C’est certain que la tâche donne le mal de tête avant même d’avoir commencé. Mais s’il y a quoi que ce soit à faire plutôt que de marcher derrière l’extrême-droite, c’est reconstruire nos rangs et reprendre là où plusieurs collectifs se sont fatigués (respect à elleux par ailleurs). En espérant que la polarisation du moment nous permette un réveil salvateur et des clarifications nécessaires, je nous souhaite de nous y voir. Il nous faut dégager un temps précieux pour se donner des points d’accroches.
Et à vous autres qui comptez très certainement y retourner dimanche prochain, s’il-vous-plaît, faites comme cela se faisait pendant les GJ. Prenez votre bâche pour la photo, le reste du temps pliez là et faites vos actions sans afficher vos couleurs. Pas besoin. Les faits serviront d’eux-mêmes et si votre stratégie paye, les curieux sauront toujours vous rejoindre. Vous éviterez de vous donner en bouc émissaire … et de vous afficher en vous faisant voler votre matos. Bien qu’en effet je n’y crois pas, je vous souhaite de réussir à éjecter les fascistes de leur propre mouvement, ce sera alors toujours le temps de vous demander qu’elles sont vos solutions pour la pandémie.
Bonne semaine à vous.