article publié initialement sur le site de La Horde
Ces dernières semaines, Génération identitaire a distillé les indices sur le web comme dans un jeu de piste en ligne. Photos, vidéos de collages à Namur et Liège, stickage à Courtrai, création d’un site réservé à la Belgique... Pas besoin d’attendre l’annonce officielle des militants d’extrême droite pour le comprendre ; Génération identitaire s’exporte au plat pays, en commençant par la Wallonie.
Région encore marquée par son passé industriel, encrée à gauche (25,5% PS en mars 2020) malgré de multiples tentatives de récupération d’une l’extrême droite francophone en état de mort cérébrale avancée, la Wallonie apparaît comme le point de départ idéal de l’établissement du groupuscule.
Attention peinture fraîche
Béret anthracite vissé sur la tête, long manteau feutré, « JF » Michon, horticulteur auvergnat de 25 ans installé à Waterloo, chapeautait la semaine dernière la première action de Génération identitaire en Belgique. Accompagné de quatre apprentis chemises brunes, il colle des affiches aux slogans :
« Stop au racisme anti-blanc », « La racaille tue » et « Blanc et fier » sur les panneaux d’affichage de la piscine de Salzinnes, à Namur. A Liège, c’est face au bâtiment de la fédération du Parti Socialiste qu’ils ont choisi de placarder leur propagande haineuse.
JF Michon
Tout droit sorti du moule du bon soldat identitaire, JF Michon et son apparence soignée, est le candidat rêvé ; image lissée sur les réseaux sociaux, de bonne famille, habitué des soirées étudiantes... Alors qu’il a longtemps échappé aux radars en France comme en Belgique, il cherche aujourd’hui à étendre son réseau d’étudiants nazillons de Waterloo à Bruxelles. Tous répondent au même profil socio-économique de la parfaite recrue, ils sont bien insérés dans la société et issus de milieux aisés.
Pour faciliter le tri des futures adhésions, Génération identitaire a récemment mis en ligne un site consacré à la Belgique. Une simple page ne contenant qu’un formulaire de contact avec une courte présentation : « Génération Identitaire est un mouvement politique de jeunesse qui rassemble des garçons et des filles à travers toute l’Europe pour lutter contre l’islamisation et l’immigration massive. ».
Dans les informations du site, on remarque que la peinture est encore fraîche, les dernières modifications ayant été apportées le 5 février 2021.
Une extrême droite en désuétude
Ces discrètes opérations de communication n’auront pas échappé à l’extrême-droite locale. Très vite, le Parti National Européen (PNE), s’est targué d’un post sur leur page Facebook ainsi que d’un article sur leur site, très vite effacés mais dont La Horde a évidemment gardé des traces. On peut ainsi lire : « Bien que le PNE et Génération Identitaire sont deux entités différentes. Nous saluons la venue de ces derniers en Wallonie et à Bruxelles. ».
Les membres proposent également de « faire suivre » les demandes d’adhésion directement à Génération identitaire. Au PNE, on a la pratique du fayotage facile, surtout lorsqu’il s’agit d’attirer désespéramment l’attention sur eux.
C’est que, seulement après deux ans d’existence, le parti d’Olivier Balfroid a des allures de coquille vide. Noyé sous les conflits internes, légitimité en berne, il accumule les défections, notamment auprès de membres fondateurs. Dernier départ en date, Nadine Crovatto, figure incontournable des milieux néonazis francophones, qui s’est récemment recyclée auprès de Daniel Conversano en prenant la tête de la section locale des Braves.
Quant à NATION, le parti identitaire et nationaliste d’Hervé Van Laethem créé en 1999, c’est la lente agonie qui continue. Entre une base militante trop populaire et vieillissante, l’utilisation de symboles néonazis comme le Trident pour logo, une maîtrise plus que douteuse de la communication sur les réseaux sociaux.... ils sont devenus indésirables.
L’heure est à une extrême droite qui soigne son image à coup de vernis, qui veut incarner une jeunesse engagée, dynamique et tournée vers l’avenir. Fini les vieux néonazis avec leurs symboles d’en autre temps et leurs passés gênants.
Désormais, on veut des nouveaux visages à l’apparence irréprochable sachant répéter des éléments de langage et ayant un statut social à faire valoir.
De précieuses alliances
Face à ces partis pour le moins insignifiants, la voie semble libre pour Génération identitaire. Plus besoin de les présenter, les frasques du groupuscule sont déjà bien connues en Belgique, et surtout en Flandres. Car si Génération identitaire veut s’imposer en Wallonie et à Bruxelles, en Flandres, ce sont leurs amis de Schild en Vrienden qui comptent gagner de l’influence.
Les deux groupuscules se connaissent bien, et pour cause, ils partagent le même projet politique comme la Horde le démontrait ici. D’abord très proche de le section lilloise de Génération Identitaire et de son chef Aurélien Verhassel, l’organisation flamande a acqui une certaine notorieté à l’échelle nationale. Français et flamands ont appris à se connaître aux camps d’été dont Dries Van Langenhove, leader de Schild en Vrienden, a été l’invité à deux reprises en 2015 et en 2020.
Que ce soit Dries en personne ou le logo de son groupuscule, les références à Schild en Vrienden pullulent sur les comptes des portes paroles de Génération identitaire. Ici, une story de Jérémie Piano en compagnie de Dries datant de janvier 2021.
Récemment, Wilhelm Priem, jeune militant de Schild en Vrienden qui se vantait de se battre contre des groupes de Somaliens, a fait savoir son enchantement quant à l’arrivée Génération identitaire sur ses terres. Dans sa légende, il ironise à propos des médias flamands VRT et HLN, ceux-là même qui ont révélé il y a peu que des militants de Schild en Vrienden s’entraînaient aux armes lourdes dans des camps militaires d’Europe de l’Est.
Suite à ces révélations, les fascistes flamands se retrouvent une fois de plus dans le viseur des autorités belges tout en gardant une assise confortable au sein du Vlaams Belang. En juin 2020, Les Echos révèlait une poussée des intentions de vote (27,7% au total) pour le parti de Tom Van Grieken, le plaçant premier parti de Flandres.
Côté français, Gérald Darmanin joue les fratricides, sur fond d’opération de com’, en amorçant la dissolution de Génération identitaire. Il aurait été « scandalisé » par les récentes opérations antimigrants du groupe de fascistes dans les Alpes (2018) et les Pyrénées (2021). Sans doute préfère-t-il laisser à son gouvernement le monopole de la chasse aux exilés. Bien que provoquant un emballement médiatique, les menaces de dissolution n’ont jamais freiné l’expansion des identitaires.
En attendant une enième renaissance, Génération identitaire reste populaire en Europe du Nord. Partout où ils s’installent, ils perpétuent leur mode d’action favori ; l’agitprop. Au Danemark, qui compte une section particulièrement active, les jeunes fascistes déploient, à plusieurs reprises depuis 2019, des banderoles de centaines de mètres réclamant la « remigration » tantôt dans un quartier populaire, tantôt en plein centre-ville de Copenhague.
Pour l’inauguration de la section et en bon adorateur des traditions, il n’est pas impossible que JF Michon et ses amis envisagent de telles actions en Belgique. En janvier 2021 et au grand dam de l’extrême droite locale, la ville de Charleroi donnait son accord pour le projet de mosquée à Lodelinsart. Une opportunité pour les jeunes islamophobes fraîchement débarqués de se faire connaître dans la région. En 2012, c’est en occupant le chantier de la mosquée de Poitiers que les militants identitaires révélaient leur nouveau groupe au grand jour…
ER, pour la Horde
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