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CNews entretient le débat sur le port du voile à l’aide d’un providentiel sondage absolument pas catholique

posté le 28/05/18 Mots-clés  antifa 

Le lendemain soir, Laurence Ferrari me remet en mémoire une image que les télés me laissent peu de chances d’oublier. « On revient en France avec ce sondage Ifop-Fiducial pour CNews qui porte sur le voile. Evidemment, cela fait suite à la polémique sur le voile porté par la dirigeante du syndicat étudiant Unef. » Evidemment. Nous sommes jeudi, treizième jour de la « polémique » sur le voile de Maryam Pougetoux et, pour éviter qu’elle ne s’essouffle aussi vite qu’une grève des cheminots, la chaîne info de Bolloré a eu l’heureuse idée de commander un sondage. Un sondage autoadministré par Internet auprès de sondés semi-professionnels, un sondage idiot avec des questions idiotes auxquelles ne répondent que les idiots.

« Un sondage avec des chiffres assez clairs : 71 % des Français interrogés se disent opposés au port du voile ou du foulard islamique dans les salles de cours des universités. » Curieusement, ils ne se disent pas opposés au port de kippas ou de croix à l’université. Mais peut-être l’Ifop a-t-il a oublié de leur poser la question. La présentatrice précise : « Alors que c’est autorisé par la loi française »… D’où la question posée par le bandeau, « VOILE : FAUT-IL CHANGER LA LOI ? »

L’infographie ne s’embarrasse pas des précautions de Laurence Ferrari et remplace « les Français interrogés » par « les Français » tout court. « 77 % des Français jugent que les critiques à l’égard de Maryam Pougetoux sont justifiées. » Cette formulation est très sommaire. En réalité, le sondeur a demandé à ses sondés de dire s’ils étaient d’accord ou pas avec l’opinion suivante : « Les critiques à l’égard de Maryam Pougetoux sont justifiées car un représentant politique ou syndical n’a pas à afficher publiquement des convictions religieuses. »

Cet argumentaire me laisse un grand espoir. La prochaine fois que Christian Estrosi confiera les destinées de la ville de Nice à Notre-Dame-des-Grâces, je ne doute pas que l’Ifop demandera illico à ses sondés de se prononcer sur l’opinion suivante : « Les critiques à l’égard de Christian Estrosi sont justifiées car un représentant politique ou syndical n’a pas à afficher publiquement des convictions religieuses. »

En attendant, Laurence Ferrari interroge ses invités. « C’est un sujet qui ne cesse d’enflammer le débat français… »Décidément, l’incendie est partout. Mais que font les pompiers ? « Evidemment encore plus depuis les derniers mois. » Ah bon, pourquoi ?

Laetitia Krupa, journaliste spécialisée en communication politique, analyse : « L’hystérie de ce débat puise ses raisons dans le fait qu’on n’a jamais eu un débat autour de la laicité, du port du voile. » Jamais, au grand jamais. Au moins depuis l’affaire Mennel (candidate de The Voice). « C’est un débat tabou pour les politiques français. » Une terrible omerta que CNews brise courageusement. « On en parle mais toujours avec des mots un peu flous. » En des termes voilés. « On n’ose pas, on ne prend pas de décisions radicales, on essaie d’arranger la chèvre et le chou. » Et on finit par se rendre chèvre à force de se prendre le chou. « Et finalement on n’a jamais eu de débat clair, de fond, déshystérisé. » Désinhibé.

« Je connais l’Unef depuis longtemps, témoigne un autre invité, Bruno Gollnisch. C’est une organisation crypto-marxiste qui n’est en rien représentative des étudiants et qui était hostile à toute forme de religion. Mais comme il y a des élections, elle peut aligner quelques militants qui finiront comme députés socialistes. » Quoi ? Maryam Pougetoux députée ? Pascal Praud va demander l’asile politique en Iran.

« Si on fait venir 10 millions de musulmans en France,poursuit le député européen du Front national, faut pas s’étonner que certains veuillent porter le voile. » « Vous sortez le chiffre d’où ? », réplique Laurence Ferrari. Le député européen ne lui répond pas : « On s’excite sur les symptômes, on ne s’intéresse pas aux causes du problème. »

« Je suis d’accord avec cette dernière phrase, rebondit Harold Hyman, expert maison en relations internationales. Si, derrière ce voile, il y avait un bouddhiste tibétain qui voulait planter des fleurs et entonner des chants tantriques, ça ne se poserait pas de problème. » Le problème, c’est bien les musulmanes. Leur voile ne cachent pas des fleurs mais des ceintures d’explosifs. Tandis que les bouddhistes sont incapables de violence, encore moins contre des musulmans, pas même envers des Rohingyas.

« Moi, poursuit Harold Hyman, je vois des femmes voilées qui passent devant Le Carillon et Le Petit Cambodge [cibles de fusillades lors des attentats de novembre 2015], qui sont tout près de chez moi, et c’est un peu insultant quand même. » Elles pourraient faire un détour par une autre rue, par décence. « En fac, où j’enseigne parfois, il y a des filles voilées et ça ne me fait pas le même effet… Alors je ne sais pas… » En fait, il faudrait les obliger à se voiler ou à se dévoiler selon l’effet qu’elles nous font ou pas.

« D’où la nécessité d’un débat sur la laicité !, insiste Laetitia Krupa. Et c’est les politiques qui doivent le porter. La société civile peut s’en emparer, mais ça donne quelque chose de complexe. » On peut compter sur de nombreux politiques pour en faire quelque chose de bien plus simpliste (si un jour ils daignent en parler). Christine Kelly, ancienne conseillère du CSA qui partage aujourd’hui son activité d’éditorialiste entre CNews et C8 (elle est chroniqueuse chez Cyril Hanouna), introduit une diversion : « On se rappelle aussi de la croix de Valérie Boyer, porte-parole de François Fillon, ça avait aussi déchaîné les passions. » C’est vrai. Au point que ça lui a fait perdre l’élection.

Laurence Ferrari réagit aux propos de son collègue. « Je ne peux pas adhérer, ce n’est pas choquant que des femmes voilées passent devant Le Carillon et Le Petit Cambodge. » L’expert explique qu’il a cru identifier une burqa, preuve manifeste d’une volonté de nuire à la mémoire des victimes. « Ah, ça, c’est interdit », rappelle Laetita Krupa. Laurence Ferrari conclut : « Merci d’avoir participé à ce débat. » C’est déjà terminé ? « On va voir que le sujet du port du voile islamique fait polémique en France. » Ah non, ça continue. Avec une rétrospective intitulée « VOILE : 30 ANS DE POLEMIQUE ». Et toujours aucun débat.


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